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U. D.- Alors, toujours sinophile?
D.U.- Curieux, tout de même, cette question. Si je commentais un disque Beethoven, commenceriez-vous par « Alors, toujours germanophile ? »
U. D.- Chou Wen-Chung est bien chinois ?
D.U. -Il est né en Chine (1923), et il a passé l'essentiel de sa vie d'adulte en Amérique. Après son arrivée aux Etats-Unis (1946), il est devenu l'élève d'Edgar Varèse à New York. Les relations entre les deux hommes ont été à la fois non conventionnelles et très étroites. Varèse lui faisait la cuisine ! On avait mis en garde le jeune Chou : la personnalité de Varèse est tellement forte, attention ! Mais je crois que Chou n'a jamais voulu l'imiter, bien qu'il ait manifesté ensuite sa gratitude de nombreuses manières, en éditant ses oeuvres en particulier. Professeur à l'Université Columbia, il a aussi marqué la musique américaine et fait venir plusieurs compositeurs chinois outre Atlantique. Echoes from the gorge (1989)
Chou Wen-Chung : Echoes From The Gorge
est sans doute l'oeuvre par laquelle commencer l'exploration de son catalogue.
U.D. - Que diriez-vous des oeuvres sur ce disque ?
D. U. - Commençons par « Couleurs du crépuscule », la pièce la plus récente (2007). Ce double trio (trois bois, trois cordes) est comme une peinture de paysage. D'une part, le modèle pictural chinois (bien que Chou pense en fait à la vallée de l'Hudson), les escarpements, les nuées, l'ombre et la lumière, la rencontre des courants d'énergie naturels ; d'autre part, le langage, librement hérité de Schoenberg -celui de l'op. 16, par exemple. C'est de la musique occidentale, dramatique et inventive, qui respire un air différent, en quelque sorte.
U.D. - Et les deux quatuors à cordes?
D.U. - On n'attend pas tellement un disciple de Varèse sur le terrain du quatuor, n'est-il pas vrai ? Chou a écrit au sujet du premier, le plus développé des deux (1996) : le titre [Nuages] « fait référence à la qualité que partagent les formations nuageuses et la calligraphie : le processus continuel du changement ». De la Chine musicale, on peut trouver un écho dans les pizz du second mouvement, qui peuvent évoquer un zheng (la cithare chinoise), ou d'autres instruments d'extrême Orient, tout comme Bartok, ou dans les sonorités du 3e qui retrouvent (un peu) celles du violon chinois. Autrement, a-t-on confié beaucoup de musique aussi profonde aux instruments du quatuor depuis le 14e quatuor de Beethoven ? Si vous pensez que je délire, allez écouter par vous-même, vous verrez.
U.D.- Et le second quatuor, « Streams » (2003) ?
D.U.- Il est plus bref, moins divers, et c'est un hommage à l'Art de la fugue de Jean-Sébastien Bach, en une suite de contrepoints. On est proche par endroit des quatuors 3 & 4 de Schoenberg.
U. D. - L'interprétation ?
D.U. -Magnifique ! Les Brentano, ce n'est pas comme la sécheresse des Arditti des mauvais jours. Quelle riche sonorité.
U.D. -Encore un mot ?
D.U. - Le site consacré à Chou Wen-Chung (chouwenchung.org) est le plus beau que je connaisse consacré à un compositeur. Tout y est dit (en anglais), répertorié, analysé, illustré.
U.D. - Si c'est si bien, pourquoi ne parle-t-on pas plus souvent de ce monsieur?
D.U.- Et pourquoi voulez-vous que le quotidien de la vie musicale soit autre chose que routine et futilité ?
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